VIII - Théorie du frittage
Frittage
en phase solide
La thermodynamique montre que, ce processus étant
irréversible, lenthalpie libre du système doit diminuer au cours de son
évolution. Cette diminution résulte essentiellement dune réduction de
lénergie de surface (surface libre des particules, puis surface des pores). On peut
diviser le processus en deux stades: il y a dabord formation de zones de
raccordement, appelées «ponts» de soudure ou «cous» (voir paragraphe mise en
forme), entre particules en contact, puis disparition progressive de la porosité
résiduelle.
Formation des ponts
Les particules de poudres étant supposées
sphériques, de rayon r uniforme, et tangentes entre elles, deux groupes de
mécanismes ont été proposés à partir de ce modèle théorique, suivant que les
centres des sphères ne se rapprochent pas (évaporation-condensation ou diffusion
superficielle) ou se rapprochent (écoulement visqueux, diffusion en volume ou diffusion
intergranulaire). Dans le second cas, les agglomérés présentent un retrait notable et
la porosité résiduelle est progressivement éliminée.
Le mécanisme dévaporation-condensation fut mis en évidence par W. D. Kingery
lors de son étude du frittage de petites billes de chlorure de sodium. Pour établir la
relation qui donne, à température donnée, la loi de croissance du rayon x du cou
en fonction du temps , on tient compte du gradient de tension de vapeur qui existe entre
les zones voisines de la surface convexe des sphères et les zones voisines de la surface
concave du cou; on écrit alors que la variation de volume de ce cou par unité de temps
est égale à la quantité de matière qui se condense à la surface de la zone de
raccordement; en utilisant léquation de Langmuir et la formule de Kelvin, on arrive
à lexpression:

dans laquelle x est le rayon du pont, r le rayon des particules de poudres, g lenthalpie
libre superficielle spécifique du matériau constituant les granules, p0 la
pression de vapeur au voisinage dune surface plane de ce matériau, a3 le volume dun atome, d la densité, k la constante de Boltzmann, T la température absolue, M
le poids atomique du matériau considéré, R la constante des gaz parfaits et t le temps.
On parle découlement plastique si lévolution morphologique sopère par
glissement suivant des plans et des directions cristallographiques et découlement
visqueux dans les autres cas. Dans
lhypothèse dun écoulement newtonien, le déplacement des atomes
seffectue sous leffet dun cisaillement proportionnel au gradient de
vitesse, la constante de proportionnalité étant égale à la viscosité du matériau
considéré. Pour trouver la loi de croissance dun pont, on écrit que
lénergie dissipée par lécoulement du matériau:

(daprès
Frenkel) est égale au travail effectué par les forces de surface, soit:

En intégrant, il vient:

Le mécanisme mettant en jeu la diffusion en volume
est fondé sur lexistence de gradients de
concentration en lacunes entre les zones situées au voisinage immédiat de la surface
latérale du pont (de rayon de courbure r faible) et les zones voisines (quil
sagisse du volume des sphères ou de leur surface). Il existe en effet au voisinage
dune surface concave de rayon de courbure r une sursaturation (cest-à-dire un
excès de lacunes) égale à:

C0
désignant la concentration en lacunes au voisinage dune surface plane et a3, en première approximation, le volume dune
lacune. Il suffit décrire que la variation de volume du pont par unité de temps
est égale à celle qui résulte du départ des lacunes en excédent qui quittent la zone
du pont en traversant une surface S
parallèle à la surface limitant ce pont; on a:

J étant
le flux de lacunes diffusant par unité de temps et de surface. Cela suppose donc
quil existe un gradient de lacunes entre la surface latérale du pont et une surface
voisine de rayon de courbure plus grand. Comme les lacunes échangent successivement leur
position avec celle des atomes voisins, on aura un flux inverse datomes venant
constituer le pont. Il existe plusieurs hypothèses relatives à la nature du chemin suivi
par les lacunes; en particulier, N. Cabrera
a supposé que la diffusion seffectuait avec une symétrie cylindrique et il a
abouti à la loi:

Dv étant
le coefficient dautodiffusion en volume. Une autre hypothèse est fondée sur le
fait que les lacunes diffusent en volume, en système pseudo-cylindrique, depuis la
surface latérale du pont vers la surface extérieure des sphères dont le rayon de
courbure est supposé rester sensiblement constant et égal à r . On aboutit à lexpression:

Quel que soit le trajet suivi par les lacunes, on peut
noter quà un coefficient numérique près, x est proportionnel à t1/5.
Ces deux hypothèses ne tiennent pas compte du
rapprochement possible des centres des sphères au fur et à mesure du développement du
pont. On a aussi constaté expérimentalement quil existait très fréquemment un
joint de grain dans le pont; ce joint, séparant les volumes propres de chaque granule, a
un rôle prépondérant puisquil sert de puits pour éliminer les lacunes; un
gradient de concentration en lacunes sétablit dans le joint entre le cur du
pont et la surface externe, entraînant un flux antagoniste datomes qui diffusent
intergranulairement vers la surface externe. Tous calculs faits, on arrive alors à:

Dj étant
le coefficient dautodiffusion aux joints et dj lépaisseur
du joint.
Dans le mécanisme de diffusion superficielle , proposé par G. C. Kuczynski,
on suppose que les lacunes excédentaires au voisinage de la surface latérale des ponts
diffusent superficiellement vers la surface libre des sphères de rayon r .
Des atomes de ces surfaces viennent les remplacer et contribuent de la sorte à la
croissance des ponts. Les calculs proposés sont assez controversés. Kuczynski arrive à
une loi de la forme:

Ds étant
le coefficient dautodiffusion superficielle et ds lépaisseur
de la zone corticale intéressée par la diffusion.
Élimination des pores
Une fois les ponts de raccordement entre granules
suffisamment développés, il existe entre eux des cavités résiduelles quil faut
éliminer. On constate dans la pratique que, lors du frittage, la densité des
agglomérés augmente progressivement en fonction du temps. Les mécanismes
dévaporation-condensation et de diffusion superficielle peuvent entraîner une
modification de la morphologie des pores, mais ne peuvent pas diminuer leur volume. Seuls
les mécanismes découlement visqueux, de diffusion en volume et de diffusion
intergranulaire peuvent rendre compte dune telle réduction.
Les calculs sont simplifiés si lon considère
des modèles géométriques: pores cylindriques ou sphériques. Soit r le rayon dun pore à linstant t et r0 son rayon initial; on arrive, par exemple, à une
relation du type:

si le mécanisme entrant en jeu est
lautodiffusion en volume et les pores sphériques; les pores de petite taille
disparaissent en premier et les plus gros augmentent de volume en raison de
lexistence de gradients de concentration en lacunes entre les petits pores et les
plus gros.
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